5 questions à Jakes Saldubéhère, président-fondateur de Pilotazain et responsable de la commission Patrimoine à l’Aviron Bayonnais, infatigable défenseur, promoteur, transmetteur de la Pelote Basque .
1/Quand avez-vous commencé à jouer à la pelote basque ?
Né au Boucau (64), j’ai fréquenté l’Ecole des Forges, plus près de chez moi que celle du Boucau, c’est là que j’ai commencé. Comme tous les gamins, à main nue avec de vieilles balles de tennis, sous les préaux ou contre les murs. Chez moi, contre le mur de l’atelier de mon père. Vers 7/8 ans, au catéchisme de la paroisse du Boucau, je vois jouer de jeunes vicaires en soutane à Joko. Un de mes camarades en possède un. Nous sommes 2 ou 3 à le rejoindre pour jouer avec lui munis de garde-boues de mobylettes. Après l’Ecole, le Collège occupe le même ensemble de bâtiments, le prof de gym nous amène à Piquessary pour faire du sport : rugby, bien sûr, et pelote car il y a un fronton dans l’enceinte du stade. C’est là que je touche la « vraie pelote » et nous sommes un petit groupe à faire quelques parties contre d’autres collèges. A peu près à la même époque, après la communion, j’assiste sur le Fronton de la paroisse de la Cité des Forges, à des parties de main nue lors des kermesses J’y ai vu jouer l’abbé Eramuzpe et Pascal Damestoy. Le vicaire de la paroisse nous organise des tournois de pala avec balles de mousse. Au lycée de Marracq (aujourd’hui collège) les préaux sont pris d’assaut. J’y côtoie des joueurs déjà en renom : Gabriel Dermit, de Mendionde (main nue), Loustalot de St Palais (joko garbi), Henry Labat qui sera sélectionné à pala corta sur un Mondial quelques années plus tard.
Eclipse hors Pays Basque de 56 à 1969 : études, service, 1er poste. Après le Boucau Stade, 3 autres clubs de Rugby au hasard de mes points de chutes. Je ne renoue avec la Pelote Basque qu’à la rentrée de septembre 69 avec ma mutation au Collège Fal de Biarritz La Négresse et mon divorce d’avec le rugby n’ayant pu revenir dans mon club d’origine.
2/Vous pouvez nous parler de l’attachement particulier que vous avez pour le xare ?
Là, une grosse majorité de mes élèves pratique préférentiellement rugby et/ou pelote. Je suis dans mon élément, mais je penche vers la pelote : le préau et un mur d’une vieille conciergerie qui sert de vestiaire et d’abri-salle-de-gym en cas de pluie. Après la cantine, j’organise à main nue, avec de vieilles pelotes « tortes » des tournois interclasses du Foyer Socio-éducatif FSE. J’engage certains de mes élèves dans un tournoi inter-écoles de Biarritz organisé par le Directeur de l’Ecole du Braou, M. Laporte (natif de Garazi), puis en ASSU (qui deviendra UNSS) dans le Challenge du Nombre, organisé par Edouard Mayté, en poste au Cge de La Citadelle. Au cours de ces échanges, je rencontre Pascal Pochelu, joueur de Xare de niveau international, en poste au Cours Etchecopar de St Palais. Mais je n’ai qu’une faible idée de ce qu’est le Xare dont mon frère aîné m’avait dit que quelques copains y jouaient quand il était au Cge St Joseph d’Hasparren. En 75, un Gymnase est en construction à Fal. Avec l’accord de mes collègues, je demande et obtiens qu’y soit adossé un fronton mur à gauche. La pelote est programmée en cycles EPS. Vers 76-77, mes fils sont à Endarra avec Benat Sédès qui joue à Joko à l’Aviron. Je les y inscris dans la discipline. M. Gavel les entraîne. Mon frère, employé à Turboméca, me présente un jour son collègue de travail Panpi Hiriart qui joue à xare à l’AB et entraîne Lasarte et Garbisu. Panpi me fait assister à un France-Espagne à xare, à la Zup, avec ses poulains. C’est le coup de foudre.
A Fal, des gamins me posent quelques problèmes : qu’ils soient manistes ou puntistes, comme ils jouent en tournoi du FSE à Main nue sans pansements ni beaucoup de temps de préparation, leur club leur reproche d’avoir mal aux mains, ou d’être fatigués, ou que « ça (leur) change le geste ». Je décide donc, on est en 77, pour leur éviter ces reproches, de les faire jouer à xare. Pour cela, d’apprendre à fabriquer les instruments que je leur fournirai. Je prends RV au Cours Etchecopar où exerce mon collègue Pochelu. Quelques entraînements avec des instruments que j’y achète, et Panpi m’invite à m’inscrire en Championnat. Je fabrique, de proche en proche, pour moi et mes partenaires. J’ai mis le doigt dans l’engrenage. Je prends ma 1ère licence à l’Aviron en 1980, à 40 ans !
3/Quels sont vos meilleurs souvenirs dans le monde de la pelote basque ?
La création à Fal, en 83, à mon initiative pour répondre à une directive parue au BOEN, de la 1ère Section Sportive de Pelote Basque en Collège. Les titres, à Joko et Rebot de mon fils Olivier. Avoir eu l’occasion de m’entraîner quelques rares fois avec Lasarte et Garbisu. Avoir goûté au xare et au pasaka en compétition contre de bien meilleurs que moi, et éprouver encore les sensations des « xirrist » (à pasaka) et des « atxiki tiki » feutrés du joko et rapides du xare, comme celles des mains bien chaudes au Xoko du trinquet.
4/Votre engagement dans la pelote est fort.
C’est vous qui le dîtes !
Pouvez-vous nous parler de ce devoir de transmission qui vous anime ?
Cela risque d’être long à expliquer.
De 83 datent mes 1ers rapports avec la Fédé au sujet de la Section Sportive de FAL. En 84, avec quelques années d’expérience dans la confection des xare et son apprentissage à mes élèves, je propose aux clubs pratiquants, sous couvert FFPB, un stage de fabrication. Quelques mois plus tard, il m’est proposé de faire part de mon expérience scolaire au sein de la Commission Technique et Pédagogique fédérale. Je ne m’y sens pas très à l’aise et à l’invitation de Pochelu, je glisse vers la Commission xare. J’étais ainsi en bonne place pour connaître le milieu et observer comment marchait la FFPB, puis la FIPV après y avoir connu quelques dirigeants, notamment à l’occasion d’un voyage à Colonia (Uruguay), via Buenos Aires (Argentine), pour supporter la délégation des Espoirs en Trinquet (nous avions alors B.Driolet – ex-élève de Fal- et J. Sistiague à xare, entraînés par P.Lasarte, et Melle Mailharin à baline), et pour enquêter avec 2 amis de la Com.xare sur le déclin du Xare dans ces pays. J’en suis revenu à la fois enchanté par le niveau de jeu, et déçu par les contacts avec certains des « officiels » rencontrés. La déception a continué à mon retour, surtout du fait des réponses (ou de leur absence, créant de fâcheuses conséquences sur la vie internationale du xare) aux sollicitations ou propositions que la Com.xare transmettait aux autorités. Comment apaiser le conflit entre Fédé d’Euskadi, et Fédé espagnole et FIPV à propos de la demande d’affiliation de la 1ère et de la revendication d’une sélection basque aux rencontres internationales ? Etait-il possible d’officialiser la langue basque dans les Statuts FIPV ? …
Il m’a alors été reproché de « faire de la politique » et un prétexte a été trouvé, via la LPPB, pour me pousser hors de la Fédé, début 2003. Bien qu’ayant obtenu la condamnation de la Ligue par le TA de Pau, je n’étais plus en mesure de travailler pour la Pelote Basque de l’intérieur de l’Institution.
Estimant que ce n’était pas la solution aux problèmes posés, j’ai créé, en août 2005, l’association Pilotazain et obtenu quelques années plus tard son agrément Jeunesse et Sports. L’objet est la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Pelote Basque. Celle-ci avait été oubliée dans l’inventaire du Patrimoine de Bayonne par l’ancien Maire qui n’y voyait que « les corridas, le rugby et les fêtes ». L’actuel nous a laissé entendre qu’il y voyait aussi la Pelote Basque.
De son côté la nouvelle équipe FFPB a créé une Commission Patrimoine (CP) qui a fait sien le projet proposé par Pilotazain de constituer et présenter un dossier de demande de Label Patrimoine pour la Pelote Basque, d’abord au niveau du Ministère français de la Culture qui fera suivre, si le dossier convient, auprès de l’UNESCO. Cette dernière institution a notamment accordé ce Label à la fabrication du Makila, en tant que métier rare. Pourquoi pas, un jour à la Pelote Basque.
Pour appuyer ce dossier, la CP a accepté aussi les propositions de 2 chantiers :
1/mettre en place, à partir du Pays Basque et tous azimuts, une Route de la Pelote Basque. Une « Ruta de la pelota » existe déjà en Navarre depuis 2010.
2/organiser sur Bayonne ou en Iparralde une exposition du type de celle qui avait déjà eu lieu à St Sébastien la même année 2010 avec une forte proportion d’œuvres venant du Musée Basque de Bayonne comme de collectionneurs privés de Cambo ou d’ailleurs.
Il faut rappeler que, pour Pilotazain, comme pour beaucoup d’habitants de notre région, le Patrimoine Pelote Basque c’est à la fois un ensemble de spécialités qui résultent d’une longue évolution de nos pratiques grâce à l’évolution des instruments conçus pour favoriser au moindre effort la propulsion des pelotes. C’est tout l’artisanat qui le permet. C’est le bâti d’installations qui ont évolué en conséquence pour permettre les pratiques traditionnelles ou nouvelles en tous lieux et par tous temps. C’est l’expression artistique inspirée de ces pratiques. C’est l’expression littéraire au moins trilingue (basque, français, espagnol) qui en résulte. C’est enfin l’usage linguistique qui s’est peu à peu imposé dans les pratiques même chez les non-bascophones. Il faut rappeler aussi ici que l’AB Omnisports a signé l’Accord Bai Euskarari pour encourager cet usage. En résumé et en un mot, c’est toute une Culture.
La Section Pelote Basque de l’Aviron Bayonnais ne s’y est pas trompé en créant elle-même en son sein une Commission Patrimoine et en adhérant à Pilotazain au titre de personne morale.
Pilotazain a l’objectif général d’être un observatoire de la vie de la Pelote Basque et se veut une force de proposition
d’usagers de la Pelote Basque auprès d’une Institution de type pyramidal et encore insuffisamment démocratique, afin que tous ensemble puissions transmettre un Patrimoine Pelote Basque intact à la jeunesse d’où qu’elle soit.
Dans cet objectif de transmission je n’oublie pas celle de la fabrication des xare, instruments populaires, les plus légers de la panoplie pour un jeu vif, beau, élégant, qui devrait convenir aux féminines et être joué non seulement en trinquet mais aussi bien en mur à gauche (il l’a été) qu’en place libre (id.).
5/ Vous reprochez un manque de démocratie à l’« Institution Pelote Basque ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Certainement. D’abord le mot démocratie englobe des structures très différentes d’un côté ou de l’autre des Pyrénées. Le « manque » de notre Institution tient à sa structure pyramidale qui ressemble à celle de la République Française où les citoyens élisent leurs représentants au suffrage universel direct, sauf au niveau du Sénat. Dans l’Institution Pelote Basque, les citoyens licenciés votent au niveau des Clubs, point final. Si je suis bien informé, au niveau Ligue, votent les représentants des clubs au prorata du nombre de licenciés. A la FFPB, votent les représentants des clubs et les représentants des Ligues, chaque catégorie a 50% des mandats de vote. A la FIPV, ne votent que les Fédé nationales. Le licencié-citoyen de base comme le club ou les Ligues sont bien loin de ce pouvoir suprême. En outre, si dans la République française, il existe des contre-pouvoirs (sénateurs par rapport aux députés, partis politiques, syndicats et …lobbys) pas de contre-pouvoir en PB. Le lobbying y est exercé par les clubs forts sur les plus faibles, id pour les Ligues dans la FFPB, id pour les Fédés dans la FIPV, sans compter celui des sponsors, à tous niveaux.
Par ailleurs, il existe des Fédés riches en Europe et des pauvres en Amérique latine. Du fait de l’alternance sur ces deux zones des Mondiaux, les Fédés américaines sont parfois nécessiteuses d’aides pour participer aux Mondiaux en Europe, d’où une possibilité de pression de la part des aidants sur les aidés.
On voit par là que les décisions prises au niveau FIPV sont appliquées de façon peu démocratique et assez autoritaire par une base qui n’y est pas pour grand-chose.
Deux exemples :
1/on a appris la suppression du xare dans les épreuves de la prochaine Coupe du Monde d’octobre au Mexique au moment où entraîneur et candidats joueurs (en France tout au moins, mais les autres délégations étaient probablement au même point de préparation) avaient déjà choisi leurs sélectionnés. Ceci parce que les critères de participation pour une compétition sont passés de 3 à 5 pays minimum, décision prise en haut lieu et publiée depuis avril 2015. Quelle a été la possibilité de la FFPB, des Ligues, clubs et joueurs de base concernés pour faire revenir la FIPV sur sa décision ?
2/à la même date, a été publiée sur le Site FIPV la mouture 2015 de ses Statuts. La version de départ, rédigée en 1930 à Espelette, y mentionnait 2 langues officielles, l’espagnol et le français. La période n’était pas très favorable à la langue basque, euskara. Il a fallu attendre 2002 (comptez) pour que s’ajoutent 2 langues, non pas « officielles » mais « de travail » : anglais et euskara. Un progrès. Peut-être parce que l’Aviron Omnisports et la LPPB venaient de signer l’accord Bai Euskarari. Nous avons en 2015 trois langues officielles : espagnol, français et…anglais. Et il n’est plus fait mention de langue de travail : donc l’euskara a disparu des Statuts de la FIP… Basque. Que peuvent l’AB Omnisports et la LPPB pour avoir une explication, et même faire ajouter l’euskara comme langue officielle ? Pas davantage, je le crains, que les euskaldun Laurent Irazusta, Président de l’Omnisports, ou notre cheville ouvrière Frédo Teillery, que Pilotazain, que les Commissions Patrimoine de la Section ou de la FFPB, … séparément. Par contre, si l’on peut amorcer ensemble la constitution d’un observatoire de la vie de la Pelote Basque, d’un contre-pouvoir, d’une force de proposition, on pourra peut-être éviter quelques « petto » du genre.
Agian. Plaise à Dieu, ou inch Allah. L’avenir nous le dira, peut-être suivant les réactions des lecteurs du Site.
Milesker