5 questions à Beñat Sedes, pur produit de l’école de pelote de l’Aviron Bayonnais, qui a remporté de multiples titres à chistera joko garbi et rebot, dans toutes les catégories de jeunes et en séniors Nationale A, en place libre et en mur-à-gauche associé à son frère Michel, pendant 20 ans.
1/ Comment as-tu débuté la pelote ?
Nous habitions remparts Lachepaillet à Bayonne. C’est tout naturellement que J’ai suivi Michel, mon frère aîné (3 ans d’écart), au fronton du Parc des Sports Saint-Léon dès l’âge de 6 ans pour jouer au chistera joko garbi où, du 1er janvier au 31 décembre, Monsieur Gavel nous entraînait, tous les mercredis de 13H30 à 18H30 non-stop ! Monsieur Gavel était une personne admirable, passionnée pour qui j’ai un profond respect. Il était gentil , n’avait jamais une parole désobligeante pour personne. C’était un second père. Il était devenu ami avec mes parents. Tout dévoué à son club, il passait ses mercredis après-midi à nous encadrer à l’école de pelote, et nous payait le traditionnel “orangina-menthe” de fin d’entraînement ; le lendemain jeudi, tous les joueurs de chistera joko garbi qui étaient inscrits en Championnats recevaient dans leur boite à lettres leur convocation pour la partie du week-end, que Monsieur Gavel avait personnellement mise !! Le week-end, il nous amenait dans sa voiture personnelle sur tous les frontons du Pays Basque pour disputer les parties. Je me souviens aussi de Monsieur Roger Lagisquet, journaliste chroniqueur de pelote connu sous le pseudonyme de “Bota”, ami de Monsieur Gavel et partageant comme lui la passion de ce jeu, qui venait avec nous.
2/ Tes parents ont joué un rôle important dans ta carrière sportive ?
Mon père était un amoureux de la pelote. Il nous permettait d’assouvir notre passion.
A l’adolescence, le dimanche, il nous arrivait souvent avec Michel de jouer sur 3 frontons différents : 2 heures à Macaye (village de la maison familiale), 2 heures à Irissary car on allait rendre visite avec notre père à notre oncle, et sur le trajet entre les deux villages, notre père arrêtait la voiture à Hélette pour deux petites heures . Toujours des parties en tête à tête avec Michel, et en 100 points !
Le mercredi après-midi, c’est ma mère qui nous accompagnait, elle en solex, nous à vélo, au fronton du Parc des Sports Saint-Léon depuis Anglet Chassin, car nous avions déménagé. Pendant qu’elle nous surveillait tout l’après-midi, elle en profitait pour aider Monsieur Gavel à recoudre les pelotes endommagées. Le retour à vélo avec la “côte de chez Gambade” était comme un col à passer pour nous après les 5 heures d’entraînement ! Sinon, quand elle venait à Bayonne faire des courses, elle nous laissait au fronton pendant ce temps-là…
Le dimanche matin, quand on n’allait pas dans l’intérieur, notre père nous déposait au fronton de 9H à 12 H. Il était aussi notre fournisseur de matériel: il achetait les gants rue Bourgneuf chez Monsieur Gonzalez, et les pelotes chez Monsieur Lasserre ou chez Monsieur Urrutigaray rue d’Espagne. A l’époque, les pelotes coûtaient cher (50 francs !) : on passait du temps à les chercher, parfois jusqu’au siège de l’Aviron en bord de Nive quand elles dévalaient la rue…
Quand on ne jouait pas, notre père nous amenait avoir les parties de chistera joko garbi, rebot, en priorité celles du Club: on n’en ratait aucune !
J’avais une passion pour le jeu. Tout petit, je me lançais des défis qui ne servent à rien… : viser un poteau avec un caillou par exemple, jusqu’à réussir ! On pariait souvent entre nous, cela donnait encore plus de sel à nos entraînements : le vainqueur gagnait l’Ogeu limonade. J’avais cette culture du défi qui me permettait de ne pas avoir de complexes vis-à-vis des équipes favorites, réputées plus fortes sur le papier.
L’amour du jeu ne m’a pas quitté. Encore aujourd’hui, je peux arrêter ma voiture sur le bord de la route pour regarder jouer des inconnus sur un fronton.
3/ Tes meilleurs souvenirs de carrière ?
Les grands souvenirs, ce sont les moments de partage, les belles fêtes après les victoires. C’est la convivialité, l’amitié, la rencontre de gens passionnés et les discussions qui s’en suivaient. Je me souviens de la fois où avec Michel et Gassuan, nous avions battu le champion en titre, le grand Jean-Bernard Etcheto du Kapito Harri d’Ustaritz, alors que nous étions tout jeunes. Notre père pour fêter cela nous avait ensuite invités au restaurant à Mendionde !
Autre moment fort, la confrontation entre deux générations, la finale du Championnat de France Nationale A rebot de 1987 à Tardets entre deux équipes de l’Aviron, l’occasion de “bousculer la hiérarchie” ; c’est une partie qui a compté mais ce n’est pas un bon souvenir car nous avions perdu ce jour-là (ndlr: 12 à 13). Il y avait beaucoup d’amitié dans notre équipe constituée d’ un gros noyau de joueurs issus de l’école de pelote du Club (ndlr : B. Sedes,Duprat,Guillemin, Duhau,Haramboure). Cette partie symbolisait la montée en puissance des “Jeunes”.
Nous étions très motivés. Une année, nous devions affronter une grosse équipe en phase finale de rebot. C’était à Saint-Palais, il avait plu.. Nos adversaires attendaient sagement que cela sèche sur le bord de la cancha , assis tranquillement en haut des tribunes et nous regardant pendant 3/4 d’heure à balayer, éponger, le fronton avec les bénévoles du club local. Notre premier titre à rebot, en 1989, a été un très grand moment : sur notre fronton à Bayonne, devant 3 500 personnes !!!!, en présence du Ministre des Sports de l’époque, Roger Bambuck, de Nelson Paillou, président du CNOSF, ou encore Henri Grenet , maire de Bayonne.
C’est le premier titre à chistera joko garbi, en 1975, avec Martiarena et Camino en catégorie poussins place libre. J’ai eu la chance d’en gagner d’autres dans les catégories de Jeunes, avec d’autres partenaires comme Olivier Saldou et Christophe Poeymidou . Chez les séniors, les plus marquants sont ceux obtenus en mur-à-gauche Nationale A avec Michel, mon frère, notamment pendant 5-6 ans consécutivement. Je n’oublie pas en place libre ceux avec Jean-François Duprat et Claude Uthurrisq, ou encore le dernier avec Michel et Christophe Bareigts . J’ai pris aussi beaucoup de plaisir à disputer des saisons avec Arnaud Genevet et Michel, ou encore avec Irumberry et Uthurrisq.
Cuba 1990: Championnats du monde de pelote basque : je suis sélectionné avec Michel en équipe de France de chistera joko garbi . Nous gagnons la compétition et la médaille d’or qui va avec.
Parmi les meilleurs souvenirs, il y a les fois où le démon du jeu me rattrapait en passant devant le trinquet de l’Aviron ; je savais y trouver Monsieur Louis “Chipitey” Etcheto, Président du Club et entraîneur de main nue, avec lequel je disputais des “petits coins”. Ce sont aussi les parties de pala ancha ou encore les saisons de pasaka durant l’hiver.
Enfin, les meilleurs souvenirs, ce sont aussi des souvenirs de coups gagnants : la meilleure sensation pour moi, c’est quand tu as réussi à surprendre l’adversaire au point qu’il ne touche même pas la pelote…
4/ Tu accordais un soin tout particulier à la technique. Tu l’as enseignée après ta carrière durant de longues années à l’école de pelote de l’Aviron. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
La technique joue un rôle primordial dans la discipline du chistera joko garbi. Beaucoup repose sur la notion de “réception-renvoi dans le même mouvement”. Difficile à acquérir, elle demande une très bonne coordination. Le geste doit être doux, fluide.
Durant ma carrière de joueurs, je me suis beaucoup interrogé sur l’évolution de mon chistera pour l’adapter le mieux possible à mon jeu, dans un souci de performance. J’ai testé différents chisteras, je me suis plusieurs fois trompé ce qui m’a joué des tours dans certaines parties, et finalement j’ai trouvé la forme, la courbe optimale : chez le fabricant de chistera, Monsieur Gonzalez, dessinée au crayon sur un parchemin qui servait de modèle, j’avais ma courbe, un peu plus plate que la normale, qui me permettait d’accélérer le jeu, car la pelote partait plus vite du gant. Seulement, ce type de gant accorde peu de droit à l’erreur au niveau de la gestuelle. Ainsi il fallait que je sois très attentif sur ma technique. Autre revers de la médaille, une courbe plus plate est plus traumatisante pour l’épaule : je pense qu’elle est responsable de douleurs chroniques à l’épaule qui m’ont conduit à arrêter le chistera joko garbi encore jeune (31 ans).
J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à transmettre mon expérience du jeu. Dès l’âge de 22 ans, j’entraînais les jeunes à chistera joko garbi tous les mercredis après-midi, grâce à mon employeur, la Ville de Bayonne, qui permettait ce détachement. J’y suis resté une quinzaine d’années. Cela m’a permis de connaître François Unhassobiscay ancien très grand joueur, éducateur et dirigeant du Club avec lequel j’ai entraîné. Il s’interrogeait beaucoup sur la technique individuelle du joueur et la meilleure façon de la transmettre. Il était très rigoureux et précis notamment sur la coordination du geste: tout était décortiqué: positions des pieds, de la tête, poids du corps, rôle du bras gauche, …
5/ Pelote d’hier, pelote d’aujourd’hui, tu as vu évoluer le chistera joko garbi ?
Je ne sens pas de différences notables entre la pratique actuelle du chistera joko garbi et celle de mon époque. En revanche, les à-côtés ont quelque peu changé. Par exemple, dans les petites catégories, on m’interdisait de jouer du revers parce que Michel Duhalde, le N° 1 du Club à joko garbi au poste d’arrière (comme moi) à l’époque, l’utilisait rarement. Lors des pauses durant les parties, il ne fallait pas boire l’eau qui nous était donnée, mais la recracher. Il s’agissait de juste humidifier la bouche, car on disait que “si tu bois l’eau, t’as plus de jambes” ! On jouait systématiquement en espadrilles que notre père allait nous acheter chez le fabricant. Au 25ème point (parties en 50), le pouce de ton orteil droit saignait, car l’espadrille était usée à force de traîner le pied lors du geste de renvoi de la pelote. Alors, on était obligé d’intervertir les espadrilles pour pouvoir finir la partie avec la même paire !