Antoine Mautalen 01/08/2015

5 questions à Antoine Mautalen, joueur de rebot le plus titré de l’Histoire.

 

1/ Comment avez-vous débuté la pelote basque?

Je suis né et habite à Bayonne. Petit, durant l’été, j’allais en vacances chez mes grands-parents à Hasparren. Je voyais régulièrement des parties au fronton, et bien entendu je jouais à main nue avec les copains. Et un jour, vers 9-10 ans, dans un placard de la maison de ma grand-mère, nous avons trouvé, mon frère et moi, deux vieux gants qui ont fait notre grand bonheur. C’est comme cela que tout a commencé.

J’ai intégré l’Aviron Bayonnais à 10 ans : je pratiquais la main nue et le joko garbi mais faute de partenaires au club , j’ai dû arrêter la main nue, à mon grand regret. Je me suis donc spécialisé à chistera joko garbi; je me souviens avoir perdu d’un point ma première partie en Championnat à Saint-Pée-sur-Nivelle.

 

2/ Le rebot a occupé une place à part dans votre carrière sportive…

Tout petit, j’allais voir les parties de rebot au fronton d’Hasparren durant mes vacances. J’étais émerveillé par ce sport et les champions qui le pratiquaient comme Francis Apesteguy et Robert Poulou. Envoyer la pelote à 100 mètres et la renvoyer sans faire atxiki me semblait magique. Francis Apesteguy était d’une rare élégance, il alliait adresse et puissance, se jetant sur toutes les pelotes. Robert Poulou m’a aussi marqué en tant que grand joueur ; j’avais la chance de le côtoyer car mes grands-parents habitaient à côté du trinquet Berria comme lui. Je faisais office de ramasseur de balles lors de leurs parties.

Je voue une véritable passion à ce jeu. Une fois, alors que j’étais junior, j’ai joué 50 jeux de rebot dans une journée ! Le matin, nous avions gagné en seniors sur le fronton de Saint-Jean-de-Luz contre Aïnhoa en 1/4 de finale du Championnat de France par 13 jeux à 12 lors d’une partie spectaculaire avec 9 “pics” réussis par le buteur adverse Pierre Saint-Esteben. L’admirable Monsieur Gavel nous avait ensuite tous amenés avec sa voiture personnelle à Tardets pour disputer l’après-midi la 1/2 finale rebot juniors que nous avions remportée 13 jeux à 12 aussi !

J’ai souvenir aussi d’une finale du tournoi Enrique Abril à Villabona où nous étions menés 12 jeux à zéro. Et nous nous sommes finalement imposés 13 à 12, avec mes coéquipiers : 2ème gant Claude Uthurrisq, 3ème gant Jean-Pierre Irumberry, buteur Jean-Claude Inda et Robert Larre à la corde. Un grand moment !

Dans les années 80, le rebot s’était très développé au sein du Club qui a compté jusqu’à cinq équipes engagées (3 en première série et deux en seconde) en Championnat de France avec la réussite que l’on connaît. En 1987, AB1 (Etcheverry, Paluat, Michel Sedes,Prat et moi) rencontrait en finale à Tardets AB 3 (Duhau,Haramboure,Guillemin,Duprat et Beñat Sedes). Claude Uthurrisq et Jean-Marie Lapeyre (au mur) et Gilbert Ducassou (au but) composaient entre autres AB 2 . Devant cette hégémonie bayonnaise, le règlement fédéral changeait l’année suivante interdisant à deux équipes du même club de se rencontrer en finale : résultat, l’ équipe finaliste de l’Aviron de 1987 avait été privée de finale car nous l’avions battue en demi-finale en 1988 !

J’ai joué au rebot jusqu’à 41 ans, jusqu’à ce que de graves problèmes récurrents aux genoux (8 opérations chirurgicales) m’obligent à arrêter. Il m’a apporté mes plus grandes joies sportives avec 15 finales de Championnat de France seniors NA jouées pour 12 titres (6 avec la génération “Fanfan” Prat et 6 avec celle de Jean-François Duprat), ainsi que 14 finales disputées au tournoi international Enrique Abril de Villabona pour 12 titres. J’aimais beaucoup jouer à Bayonne, Hasparren, Villabona ou encore au vieux fronton de Sare, une institution.

 

3/ Mais vous avez aussi fait preuve d’éclectisme dans vos activités sportives…

Outre le rebot, j’ai aussi pratiqué le jeu ancestral du laxoa du côté des Aldudes, Aïnhoa. J’allais aussi jouer de l’autre côté de la frontière à Elizondo ou Irurita avec les frères Saint-Jean.

Je jouais également à chistera joko garbi mur à gauche et place libre avec quelques titres remportés chez les jeunes et en senior. L’hiver, je jouais aussi refileur au pasaka avec André Paluat à la corde.

J’ai tenté l’expérience du chistera remonte chez les professionnels en Espagne pendant un an. Grâce à la permission du président du BAC Fernand Pujol, je m’entraînais tout seul le matin au jai alai de Biarritz à 8 heures avant d’aller travailler.

J’ai fait du judo pendant 10 ans jusqu’à l’adolescence avec une finale de championnat de France à la clé.

De l’école de rugby jusqu’en senior, j’ai joué au rugby à l’Aviron Bayonnais, en troisième ligne centre. La pelote m’a privé d’un titre de champion de France équipe 3, gagné par mes coéquipiers : j’avais fait toute la saison et 15 jours avant la finale, en remplaçant un joueur en mur à gauche, j’ai “pris” accidentellement une pelote, ce qui m’occasionna une triple fracture de la mâchoire.

L’été, je coupais la cocarde lors des festivals nombreux de courses de vaches. J’ai couru une dizaine d’années les encierros à Pampelune.

Je fais aussi du parapente, ayant commencé il y a 25 ans sur les hauteurs du Baigura.

 

4/ Que trouvait-t-on dans le sac de sport d’Antoine Mautalen ?

J’étais très motivé dans ma pratique sportive, je voulais que tout soit parfait. Si on veut être champion, il faut beaucoup de rigueur et être attentif à une somme de détails. Donc, j’apportais 3 bouteilles d’eau ou 5 ceintures bleu et rouge, au cas où mes coéquipiers aient eu un léger oubli… J’apportais un polo de rechange que j’utilisais pour les parties longues, acharnées. Avec Fanfan Prat, à un tiempo (pause) durant la partie, il nous arrivait d’aller nous changer derrière le fronton. J’avais une trousse à pharmacie, du “reflex” (pommade chauffante ramenée de mon expérience chez les professionnels à remonte) pour les muscles, du chatterton pour les réparations de fortune sur un gant abimé. J’avais aussi toujours pas mal de pelotes auxquelles j’apportais un soin tout particulier : d’ailleurs, je les réparais, je les recousais, j’allais choisir les pelotes de rebot et les gants de pasaka pour le club en Espagne, chez le fabricant à Tolosa.

 

5/ Durant votre longue carrière, vous avez rencontré beaucoup de grands joueurs et dirigeants. Quels sont ceux qui vous ont particulièrement marqué?

J’ai eu le privilège de jouer au club avec le meilleur de tous les joueurs que j’ai pu rencontrer pendant mes 30 années de pratique : François Prat. C’était un modèle. Il aurait pu jouer à tous les postes, à toutes les spécialités (il jouait à de très nombreuses, maniant palas et gant avec le même talent) ; il était aussi très fort physiquement, ayant la capacité à pouvoir enchaîner 3 parties de chistera joko garbi dans le même après-midi.

Au club, il y avait aussi Beñat Sedes qui m’impressionnait par sa régularité dans la performance, son intelligence de jeu. Un des rares joueurs à systématiquement jeter un coup d’oeil sur le placement des adversaires avant d’ intervenir. Je regrette de ne pas avoir pu faire équipe avec lui plus souvent. Je me souviens avoir remporté avec lui une partie du tournoi Enrique Abril alors que notre équipe comportait un joueur de moins ( troisième gant indisponible ce jour-là) contre des adversaires au complet, par 13 jeux à 00 !

Jean-Bernard Etcheto du Kapito Harri d’Ustaritz était aussi fort sur la cancha qu’il était agréable en dehors: un plaza gizon.

A Villabona, on rencontrait un grand joueur: le colosse Santamaria, 1.90 m, près de 110 kilos. Avant la partie, il nous invitait pour des dégustations de pinchos , puis nous recevait après la rencontre dans la société gastronomique dont il était membre, pour des repas mémorables.

Parmi les dirigeants, je retiendrais deux noms: Raymond Gavel du club, et Jose Antonio Jauregui de Villabona.

Monsieur Gavel était une personne formidable. Fidèle, travailleur infatigable, tout dévoué à son club. Nous étions ses gamins. Il a marqué mon existence, le club lui doit beaucoup. C’était une institution. Je me souviens encore de ses “petits papiers” qu’il venait déposer dans la boite aux lettres de mes parents en guise de convocation pour chaque partie de compétition; j’en ai conservé.

Jose Antonio Jauregui était un grand dirigeant du club de Villabona. Il avait le coeur sur la main, il nous accueillait comme des princes au Tournoi Enrique Abril.

Enfin Jean-Marie Arnaud, kinésithérapeute-ostéopathe a joué un rôle très important pour ma pratique sportive, m’ayant “sauvé la mise” plus d’une fois !