5 questions à Max Duguet, Président historique de l’Aviron Bayonnais Pelote Basque, durant les années 1980/90, époque dorée de notre Club marquée par de très nombreux titres dans toutes les spécialités.
1/ Comment êtes-vous venu à la pelote ?
Petit, je passais toutes mes vacances chez mes grands-parents à Labastide-Clairence : nous jouions tous les jours à main nue au trinquet Hapette avec les copains.
Puis au lycée Marracq, aux récréations, sous le préau, ou lors du tournoi organisé par un professeur de sport, j’ai continué à jouer.
A l’adolescence, je me suis tourné vers d’autres sports comme le rugby ou l’athlétisme, le demi-fond (champion d’académie et participation aux championnats de France à Paris) plus précisément.
2/ Le passage à Sare…
Je renoue véritablement avec la pelote en 1960 quand je suis nommé pour ma première titularisation professionnelle , directeur de l’école primaire de Sare. Et de suite, presque naturellement, je deviens Vice-Président de la société locale de pelote, la Sarako Izarra. Je suis en pays de connaissance avec les frères Fagoaga, grands joueurs de chistera joko garbi. Les jeunes du village jouent au fronton et au trinquet à main nue, mais le club n’a pas crée une structure d’entraînement, et n’a donc pas de manistes en son sein ; je décide de créer l’école de pelote de main nue afin de fédérer les énergies, et encourager la pratique. Très vite, les résultats lors des compétitions sont formidables (Champions scolaires, titres fédéraux en cadets, juniors,…) : les jeunes du village sont très doués et profitent des nombreux entraînements réguliers : en effet, après la classe, tous les soirs, nous les entraînons dans le trinquet Arrieta, éclairé, mis à disposition gratuitement ! (« On ne parle pas d’argent à Sare… et même on en gagne beaucoup à cette époque… »). Il m’arrivait de « faire cadeau » de temps en temps des devoirs de classe pour le lendemain, car on finissait tard. Je me souviens de champions comme Victor Iturria (Champion FFPB cadets et juniors), Pascal Haroçarene (double Champion du monde en trinquet) ou encore Charles Béola, le plus doué, capable d’enchaîner dans le même après-midi les deux finales cadets et juniors place libre, et de remporter les titres. Enfin, je jouais au pasaka, discipline que j’adorais.
La vie était riche et intense au village, je m’y étais complètement investi : pelote, cinéma, hospice, foyer rural,…
Tous les 15 jours, il y avait cinéma dans les classes de l’école, le samedi en soirée. J’ai participé aussi à la création du Syndicat d’Initiative pour créer des Fêtes, ou encore au « Cross des contrebandiers » : la course partait de la place du fronton pour rejoindre la Rhune et retour au village. Les concurrents étaient en tenue de contrebandier (pantalon long, sac de fougère à porter), plus vrais que nature…On voyait bien qu’ils étaient bien entraînés… J’avais obtenu des militaires bayonnais une assistance technique radio : je revenais d’Algérie où j’avais servi parmi les parachutistes (J’ai notamment commandé la garde de la famille du général Massu), ce qui m’avait permis de nouer des liens plus facilement avec eux ; cela a été bien utile, car cela a permis de sauver la vie d’un coureur victime d’un malaise cardiaque grave sur les flancs de la montagne. Les militaires l’avaient descendu sur un brancard jusqu’au village ce qui lui avait permis de recevoir des soins immédiats.
Je faisais office aussi de témoin, réclamé par certaines familles, quand les douaniers faisaient des perquisitions à leur domicile…
3/ L’aventure se poursuivra à Bayonne…
Mon épouse et moi obtenons notre mutation professionnelle (collège Marracq pour moi, collège Endarra d’Anglet pour elle) en 1967. Nous déménageons et nous habiterons désormais à Anglet dont je suis originaire (mon épouse est bayonnaise). Je suis « avironnard », donc je rejoins rapidement mon club d’origine, la section pelote basque de l’Aviron Bayonnais dirigée par Louis Etcheto, avec lequel je deviens vite ami, une personne pleine d’humour , à la chaleur humaine incroyable. Je suis Vice-Président, en charge du secteur de la main nue. Louis Etcheto, Loulou Pauzat et Pascal Etcheparre étaient les entraîneurs. Je m’occupais aussi de quelques joueurs dont Michel Etcheverry ou encore Jean-Pierre Harcaut. J’ai souvenir de nombreux joueurs, comme l’équipe Noblia-Robert, plusieurs fois championne de France en place libre , le curé Raymond Garacotche et Michel Etcheverry champions de France juniors en trinquet, et encore les Daniel Borda et Pierre Duhau eux-aussi Champions de France, Gilbert Ducassou et Amiano, Darrigol, Burnier, Inda, .… Jean Laborde et Michel Etcheverry sont Champions de France cadets en 1972 en battant en finale le grand Pampi Laduche, ce qui n’est pas un mince exploit !
4/ Vos meilleurs souvenirs de pelote ?
La finale du Championnat de France de rebot à Tardets en 1987 entre AB1 (Etcheverry, Paluat, Michel Sedes,Prat et Mautalen) et AB 2 (Duhau,Haramboure,Guillemin,Duprat et Beñat Sedes) me vient de suite à l’esprit : je revois encore l’équipe des jeunes à la fin de la partie, totalement silencieux, effondrés… (victoire de AB 1, 13 jeux à 12). Le dernier jeu avait été interminable, ponctué de nombreux arrayas et de changement de mur… Ce n’était jamais arrivé, et je crois que cela n’arrivera plus qu’un même club arrive à fournir 10 joueurs de cette qualité pour disputer une finale de Championnat de France de rebot.
C’est aussi l’année 1975 de place libre : nous sommes en finale de la Grande Semaine à chistera joko garbi en cadets, juniors, seniors avec le cadet Fanfan Prat dans chaque finale : nous gagnons les trois titres ! J’ai souvenir de l’épisode de Cambo : cette année-là, la finale cadet et la finale seniors se déroulaient le même jour, mais à deux endroits différents (A Biarritz pour les cadets, à Cambo pour les seniors.) L’heure arrive à Cambo et toujours pas de Fanfan, retenu sur le fronton de la côte. L’attente démarre , on s’échauffe, on se re-chauffe, avec un fronton rempli de spectateurs. On commence aussi à s’ agacer du côté des adversaires : l’un d’eux, arrivait d’un repas familial qu’il avait célébré dignement. Il commençait à s’impatienter sérieusement, jusqu’à nous apostropher : « Vous n’avez pas honte , de désigner des cadets pour jouer contre nous ?, … vous mériteriez que je refuse de jouer cette partie. ». C’est avec un retard scandaleux de plus d’une heure que la partie commença après l’arrivée de Fanfan. Je loue la patience et le fair-play de nos adversaires qui avaient accepté d’attendre un si long moment ; à leur place, je serais parti ! Pour l’anecdote, la victoire de nos couleurs est écrasante et Fanfan Prat est le meilleur des 6 joueurs.
J’ ai aussi souvenir de la saison où nous remportons les 3 titres ! (cadets, juniors, seniors) au rebot au début des années 80.
En 1982, je suis chef de délégation (ndlr : Max Duguet est Premier Vice-Président de la FFPB) de la sélection française qui dispute le Championnat du monde à Mexico. Avant de partir, j’annonce qu’on gagnera tous les titres à main nue ! Evidemment, on me prend pour un fou… Sur place, animé par ma forte conviction, je parie avec les responsables des délégations espagnoles et mexicaines très sceptiques sur le sujet . C’est un triomphe sportif avec ce quadruplé historique jamais réalisé par une nation, et financier pour mon portefeuille. Il faut rajouter aussi les deux autres titres à Xare avec des joueurs de l’Aviron (Lasarte-Garbisu) et à Cesta Punta. Quel formidable souvenir !
En mars 1983, je monte à Paris avec notre équipe Lasarte-Garbisu pour disputer la finale du Championnat de France de xare contre Luzean. C’était un week-end de Tournoi des Cinq Nations et j’avais acheté des places pour le match France / Galles. En découvrant les places, je m’aperçois que le Président de la FFR, Albert Ferrasse, m’ avait invité en loge présidentielle. Quelle surprise ! J’ étais aux côtés de ministres, comme Edwige Avice, Ministre des Sports, ou encore Philippe Chatrier le Président de la Fédération Française de tennis. Avec les joueurs bayonnais, nous avons ensuite passé une bonne partie de la nuit parisienne en compagnie du capitaine du XV de France, Jean-Pierre Rives. Il y avait aussi Michel Etchemendy, Président du xare, et Martin Zubieta, Trésorier de la FFPB. Nous avions chanté toute la nuit, Jean-Pierre Rives entonnant Brassens et Brel. Vers 5 H du matin, nous avions rejoint avec lui tous les joueurs de l’équipe de France dans une boite de nuit des Champs-Elysées. Ce week-end là, nous avions remporté toutes les finales de Championnat de France disputées à xare et chistera joko garbi, des poussins (certains joueurs doublant) aux seniors 1ère série !!!!!!!
5/ Durant ces longues années dédiées à la pelote basque, vous avez fait de belles rencontres humaines …
J’ai été profondément marqué par Maurice Abeberry. J’ étais d’abord copain avec son frère Coco et Nicolas Olano que j’avais connus sur les bancs du lycée de Bayonne en 1943-44.J’avais appris par la suite que nous étions cousins éloignés. Quand j’étais à Sare, Maurice était Président du BAC (ndlr : membre fondateur en 1951) et d’Oldarra pendant 20 ans. Maurice avait beaucoup de talents, il était très généreux dans son métier d’avocat, c’était un magnifique chanteur au sein d’Oldarra, il sera un grand Président visionnaire à la FFPB (ndlr : de 1972 à 1988). Je me souviens avoir passé une nuit merveilleuse, après une finale de rebot de la Grande Semaine à Tardets, à chanter et à l’ écouter avec le poète souletin Etxahun. Je me suis engagé aux côtés de Maurice Abeberry dans les années 60 lors de réunions à la Fédération où il rencontrait une vive opposition, notamment par rapport à ses engagements nationalistes. Je trouvais beaucoup de ces critiques injustes , très violentes, où se mêlait aussi beaucoup de jalousie. Les réunions étaient très agitées avec une opposition marquée entre l’ « Intérieur » et la « Côte ». Les idées progressistes et d’ouverture (développement de la pelote féminine à pala ancha, des contacts internationaux) de Maurice heurtaient les sensibilités des dirigeants d’un courant plus conservateur, se présentant comme les « seuls défenseurs de la main nue en trinquet » par exemple. L’ affrontement pour avoir le pouvoir et accéder à la tête de la Fédération fut rude. Nous étions tous tribuns, Maurice était le plus grand d’entre nous, avec un formidable talent oratoire. Ce qui fait que nous parlions très souvent , les occasions étant nombreuses lors des hommages, cérémonies d’obsèques, réceptions, banquets sportifs,… A l’Aviron, certains plaisantaient en disant qu’il fallait me taper sur la tête pour m’arrêter de parler !
Et puis un jour, le 21 février 1988, alors que je m’apprêtais à sortir de chez moi pour aller assister à une partie de finale au trinquet Saint-Martin, je reçois un coup de téléphone d’une journaliste me demandant de m’exprimer sur le décès brutal de Maurice sur les flancs de la Rhune, montagne sacrée de ce pays qu’il aimait tant.
Louis Etcheto était tout dévoué à son Club. Il avait un humour extraordinaire que je retrouve actuellement chez son petit-fils, Vincent Etcheto manager de l’ABRP. ; le même humour tendre et provocateur. Il a consacré une grande partie de sa vie à notre Club : encore très âgé, il venait nous voir souvent au siège et lors des parties de pelote. Je lui avais succédé à la présidence du Club e1979. L’Aviron et la pelote étaient sa vie.
J’ai adoré Raymond Gavel comme professeur de lettres (j’ai été son élève durant deux années ; tous les élèves l’admiraient.) et j’ai eu l’honneur d’être son Président pendant 20 ans. Mon père, instituteur à Anglet Jules Ferry, lui avait appris à lire. Il en avait un souvenir très fort, et c’était réciproque.
Cet homme était merveilleux, d’une simplicité totale alors qu’il aurait pu être fier de beaucoup de choses, d’un dévouement constant, très discret, prenant garde à ne jamais blesser, très fidèle, un homme exceptionnel . Il pensait toujours à tout. Il entraînait les petits à l’école de pelote tous les mercredis de l’année qu’il pleuve ou qu’il vente, comme le faisaient pour la main nue Louis Etcheto et Loulou Pauzat. Un club qui avait la chance d’avoir un homme de cette envergure ne pouvait que réussir.
Beaucoup d’autres dirigeants et entraîneurs de l’Aviron m’ont marqué. Je citerais Pampi Hiriart d’un dévouement total au xare, François Unhassobiscay, très grand joueur de chistera joko garbi devenu un très grand entraîneur, avec du caractère, qui a marqué des générations de joueurs bayonnais. Loulou Escapil-Inchauspé et Jean-Pierre Paulorena princes du joko garbi devenus grands serviteurs du Club comme dirigeants. Michel Duhalde était un grand joueur de chistera joko garbi, loyal, très respectueux. Il avait horreur de l’injustice et je me souviens qu’il avait installé une grande benne de son entreprise chez lui pour recueillir des dons pour les plus démunis. Et puis, évoquons les amis disparus qui aimaient tant la pelote et l’Aviron : Ximun Etchepare, Mattin Sedes, Jean Larroudé, Jean Goutenègre, Dominique Pochelu, le si chaleureux docteur Neuman, et tant d’autres qui continuent à vivre dans notre souvenir tels les Champions main nue 1969, Urrutigaray et Hauret.
Je garde en mémoire les grands champions pratiquant les diverses spécialités de pala: Roland Dufourg, éqalement rugbyman de l’équipe première de l’Aviron, Claude Cellan, Marco Bonnet, Thierry Lerchundi, Etchart, Millet, Cordobès,Pétrissans, Bolajuzon, Paul, …. Je me remémore souvent le plus glorieux d’entre eux : Alain Ithurbide, rugbyman de qualité, multiple Champion de France amateur de paleta cuir en trinquet et place libre, et surtout Champion d’Espagne professionnel en 1981 !
En trinquet, aux instruments, il y avait aussi Freddy Meilhan très dévoué ainsi qu’Henri Duhau ; à frontenis mur-à-gauche, Stéphane Darrieulat. Parmi les éclectiques, il y avait l’exceptionnel François Prat, mais aussi Philippe Bolajuzon (pala ancha, cuir, balin, frontenis) ou encore “Bizia”, Jean-Marie Lapeyre, pratiquant le chistera, le rebot et le joko garbi, journaliste de presse écrite et télévisée. Je me souviens aussi de Manu Martiarena Champion de France de chistera joko garbi et rebot avant d’embrasser une brillante carrière de maniste professionnel.
A chistera joko garbi, la grande équipe des années 60-70 (Escapil-Inchauspé, Paulorena, Duhalde) ou encore celles des années 80-90 (rebot et chistera joko garbi) m’ont particulièrement marqué( NDLR : Frères Sedes, Mautalen, Prat, Paluat, Etcheverry, Duprat,Duhau,Uthurrisq, Haramboure Guillemin, Inda…).
Comment ne pas évoquer aussi les talentueuses féminines dirigées par la très dévouée Michèle Etcheto aidée de Germaine Casamayou et Annie Paulerena. : les imbattables Maité Haran et Nicole Seilhan, multiples Championnes de France et premières Championnes du Monde en 1986. Comme autres joueuses de qualité, il y avait aussi Georgia Poublan, la Marquise de Moratala, Mimi Molia, Monique Peyré, et plus récemment Sandra Simao ou Séverine Graciet…
Et bien d’autres…